- Le regard du Petit Blanquiste
... Mon ami Mohamed [ il se reconnaîtra ] attira mon attention sur un pan de l'histoire de l'Algérie : un témoignage assez éloquent. Une aubaine que Zéphyr a saisie au vol, il s'empressa alors d'aller à la source puiser une éventuelle autorisation de publier l'article en question.
... C'est donc avec l'accord de l'auteur que ce texte paraît ici, pour les lecteurs de Zéphyr. Que JPD en soit remercié ! Vous êtes conviés à aller faire un tour dans son blog, il sera ravi de vous recevoir, surtout si vous marquez votre passage. Vous ne serez pas déçu.
... Cliquez [ ici ] et vous serez chez Le Petit Blanquiste.
... Un autre regard vous attend ...
1871 : La « Commune kabyle »
... Chaque année, le dernier dimanche de mai, il est de tradition de glorifier le souvenir de la Commune de Paris de 1871 par la « montée au mur des Fédérés » à l'intérieur du cimetière du Père Lachaise, à Paris. C’est à cet endroit qu’ont été fusillés les derniers combattants au terme d’une semaine de massacres qui ont fait plus de 20.000 morts.
... La Commune de Paris et sa fin sanglante sont pratiquement occultées de l’Histoire officielle. Sans doute est-il jugé contre-productif de rappeler qu’un gouvernement issu d’élections démocratiques peut être capable d’horreurs qui n’ont rien à envier à celles d’un régime tyrannique.
... Il est une autre censure historique, elle concerne un autre soulèvement qui - au même moment - s’est produit dans les montagnes de Kabylie en Algérie et que certains historiens désignent comme la « Commune kabyle ».
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... Commencée en 1830, la conquête coloniale de l’Algérie a duré plus d'une quarantaine d'années, pendant lesquelles l'armée française s'est livrée à des massacres de masse.
... En Kabylie, il faudra plusieurs campagnes militaires pour qu'en 1857 s'instaure un semblant de « pacification ». Toutefois, la résignation des Kabyles est bien fragile, au point que, le 12 juin 1869, le maréchal Mac-Mahon alerte le gouvernement : « Les Kabyles resteront tranquilles aussi longtemps qu’ils ne verront pas la possibilité de nous chasser de leur pays ! ».
Elle est conduite par Mohamed El Mokrani qui reçoit le soutien d’un chef religieux, cheikh El Haddad. Le mouvement s’étend rapidement aux trois quarts du pays et mobilise environ 200.000 combattants.
... L’amiral de Gueydon, à la tête de l’armée d’Afrique (86.000 hommes) aidée de la Marine et de colons miliciens, dirige une répression impitoyable. Au-delà des insurgés, c’est toute la population qui est prise pour cible. Des villages entiers sont détruits, des familles décimées ou expulsées de leurs villages.
... Quand Mohamed El Mokrani est tué au combat le 5 mai 1871, son frère Boumezrag prend le commandement. La lutte contre le colonisateur se poursuit jusqu’en janvier 1872. Confrontés à un armement supérieur, les insurgés Kabyles sont alors militairement vaincus.
« La répression fut terrible, et, pour beaucoup, hors de proportion avec la culpabilité », écrit un contemporain. [1]
... Arrêtés, les chefs du mouvement sont jugés comme « malfaiteurs » et condamnés à la déportation dans les bagnes de la Nouvelle-Calédonie où se trouvent déjà les vaincus de la Commune de Paris, telle Louise Michel.
... Par ailleurs, l'administration coloniale confisque près de 50.000 hectares de terre à la Kabylie et lui inflige une amende, considérable à l'époque, de 36 millions de francs.
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Question : Pourquoi le mouvement ouvrier français n’a-t-il pas su associer dans un même hommage les Communards parisiens aux insurgés kabyles victimes des mêmes bourreaux ?
JPD
[1] Louis Rinn, Histoire de l’insurrection de 1871 en Algérie. L’auteur était conseiller de gouvernement, vice-président de la société historique d’Alger et ancien chef du service central des Indigènes.