- Sur la Kabylie
... Albert Camus est l'un des plus grands écrivains de tous les temps. Il est aussi un grand journaliste ; ses papiers, écrits dans plusieurs publications, en témoignent. Au moment où ses collègues se contentent du superflu et se soumettent à l'ordre établi, l'ancien étudiant de la faculté centrale d'Alger ne va pas par trente six chemins pour aller jusqu'à la profondeur des choses, pour rapporter la réalité telle qu'elle est, même si durant l'époque coloniale, la liberté d'expression avait ses limites.
... Les reportages parus entre le 5 et 15 juin 1939 dans le quotidien Alger Républicain sous le titre « Misère de la Kabylie » sont le fruit d'un effort journalistique, qui sauvegarde une partie sensible de l'histoire de l'Algérie coloniale. Un témoignage émouvant et lucide. Ces textes forts et authentiques sont méconnus par un large public en Algérie et ailleurs.
... Durant l'occupation française, l'Algérien est considéré comme un esclave. Sa vie, ou plutôt, sa survie est réduite à un incommensurable cycle de peines et de souffrances. Face à cette réalité lugubre, beaucoup d'intellectuels des deux rives de la Méditerranée ne se sont pas opposés à cette féroce injustice. Leur silence est souvent complice, comme l'est tout silence devant les causes justes.
... Albert Camus n'est pas de ceux qui peuvent savourer leur bonheur personnel devant la misère et la souffrance d'autrui. Il est contre l'abominable bêtise humaine. Le journalisme est pour lui une opportunité pour parler de la morosité et de la misère muette de ces Algériens traités comme des «sous-humains».
... En 1939, quelques mois après le lancement du quotidien Alger Républicain durant l'automne 1938, Albert Camus passe des journées et des nuits en Kabylie et constate, lui-même, l'arrière réalité. Sur le terrain, il arrive non seulement à montrer les faits, mais à plusieurs reprises, il démontre tantôt par des chiffres tantôt par des témoignages que la vie quotidienne des Kabyles est intolérable.
Éditions Zirem
Mai 2006
Note
Misère de la Kabylie et d'autres articles d'Albert Camus sur l'Algérie ont été publiés en juin 1958 sous le titre de Chroniques algériennes, 1939-1958, Actuelle III, aux éditions Gallimard, tronquées des parties portant sur l'habitat, l'assistance et l'usure, considérées comme trop générales par l'auteur.
L'édition algérienne Éditions Zirem a, quant à elle, publié en mai 2006 la totalité du reportage Misère de Kabylie, suivi du discours de Stockholm.
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- Le Discours de Stockholm
... Dans son discours qu'il prononça le 10 décembre 1957 à l'Hôtel de ville de Stockholm, lors de la cérémonie de remise de son Prix Nobel de littérature, le philosophe Albert Camus expose ses points de vue sur ce que l'on attend de l'artiste, du journaliste et, d'une manière générale, de l'écrivain. Voici quelques bribes :
- De l'art
... L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l'artiste à ne pas se séparer ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle.
- De l'écrivain
... Le rôle de l'écrivain, du même coup, ne se sépare pas de devoirs difficiles. Par définition, il ne peut se mettre aujourd'hui au service de ceux qui font l'histoire : il est au service de ceux qui la subissent.
... Aucun de nous n'est assez grand pour une pareille vocation. Mais dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s'exprimer, l'écrivain peut retrouver le sentiment d'une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu'il accepte, autant qu'il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté.